De quoi demain sera fait, si la science abuse de son rôle et cesse d’y penser dès aujourd’hui, à même de valider les thèses de l’évolution pragmatique et éprouver l’expérience humaine dans sa réalité, en les hissant à des projets d’investissement et de développement.
Sous nos cieux, l’enseignement- recherche-développement est un sacré trio indissociable qui va de pair, s’entrelace et se complète, tout en s’alignant sur les mêmes vocations de nos universités, mais il n’a jamais été, réellement, l’un au service de l’autre. Et même nos labos, ce filon scientifique et technologique, gardent toujours leur secret initiatique et se voient, tout bonnement, réduits à des essais et des boites à idées, sans pour autant passer au concret. N’étant pas mis à profit, le théorique a fini par tromper la pratique.
L’Afraht prête main-forte
De quoi demain sera fait, si la science abuse de son rôle et cesse d’y penser dès aujourd’hui, à même de valider les thèses de l’évolution pragmatique et éprouver l’expérience humaine dans sa réalité, en les hissant à des projets d’investissement et de développement. Dans cette logique de faire de la recherche un tremplin pour toute œuvre de développement socioéconomique, l’Association franco-tunisienne des Pyrénées-Atlantiques (Afraht 64), amie de la Tunisie, avait initié, il y a 7 ans, une coopération scientifique engagée entre l’Institut des sciences analytiques et de physicochimie pour l’environnement et les matériaux (Iprem) au sein de l’université de Pau en France, et l’Institut national de recherche et d’analyses physico-chimiques (Inrap), à la technopôle de Sidi Thabet, à l’Ariana. Ces deux institutions jumelées, aux fins d’un plan d’action commune, se sont lancées, depuis 2016, dans la course à toute réflexion analytique basée sur des programmes de recherche et de formation réalisés sous les bons auspices de M. Olivier Donard, alors, premier directeur de l’Iprem, de 2008 à 2017, avant d’être fraîchement élu, en juin dernier, membre de la prestigieuse Académie des sciences, et le Pdg de l’Inrap, à l’époque, M. Mohamed Hammami, actuellement à la retraite.
Ces deux acteurs de la coopération bilatérale ont, bel et bien, été les chefs d’orchestre du projet européen de jumelage Tun-Twin (Tunisian Twinning) 2020-2023, dans sa phase exécutoire en Tunisie, étant donné que l’Espagne et la Slovénie y étaient, elles aussi, fortement impliquées. «Il a été doté d’un budget de 850.000 euros, pour former de jeunes chercheurs tunisiens dans le domaine des sciences analytiques d’intérêt économique portant essentiellement sur l’agroalimentaire, l’environnement et la fabrication et l’authentification des médicaments génériques tunisiens..», nous présente Hammami, qualifiant sa coopération avec l’Iprem d’exemplaire. Un exercice qui semble avoir porté son fruit, tant et si bien que l’Inrap a fait preuve de son excellence scientifique. Ceci étant en soi une valeur ajoutée.
Nos jeunes thésards à l’Iprem
Un tel parcours coopératif fut, d’emblée, entamé par la visite, en 2015, à Pau, de l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, au cours de laquelle l’Afraht-64 lui avait, en fait, donné suite. Son président Mohamed Ferchichi avait, par conséquent, défriché le terrain, agissant en connaissance de cause, pour qu’un tel projet fasse son chemin. L’enjeu est de taille, dans la mesure où nos jeunes chercheurs ont été mis à l’épreuve : «Trois étudiantes tunisiennes sont, déjà, parties à Pau, depuis 2021 à ce jour, préparant une thèse en cotutelle pour acquérir des compétences analytiques», se félicite, fier, l’ex- Pdg de l’Inrap. A l’en croire, son Institut s’est vu, pour ce faire, attribuer 450 mille euros.
Son partenaire homologue, Donard, a abondé dans le même sens, soulignant l’apport significatif de pareille collaboration dans la formation des jeunes Inrapiens : «Cinq étudiants tunisiens en ont bénéficié, poursuivant leurs thèses à l’Iprem à Pau, dans le cadre de ce projet Tun-Twin». Au début, la coopération scientifique Iprem- Inrap fut, également, marquée par la tenue, en novembre 2017 à Hammamet, du Congrès africain et francophone sur les sciences analytiques et applications (Cafsaa), et dont la 2e édition devait avoir lieu, au cours de l’année écoulée.
Dès son lancement, le projet européen en question a bien recadré la coopération et l’orienter vers le renforcement de l’excellence de la recherche et le transfert de connaissances de l’Inrap. D’ailleurs, il y a eu formation des jeunes Tunisiens en thèse dans la qualité agroalimentaire (traçabilité de nos huiles d’olive), l’environnement (l’impact des phosphogypses sur le golfe de Gabes, et la production des phosphates dans le bassin minier), ainsi que le développement des médicaments dans les labos de Sidi Thabet. «Et c’était intéressant ! D’autant plus qu’il y a des pas franchis pour permettre à la Tunisie d’accéder aux meilleurs équipements. Dans ce cadre, j’ai eu une étudiante tunisienne qui a terminé sa thèse sur la traçabilité de l’huile d’olive. Et actuellement j’en ai une qui fait sa thèse de doctorat sur le traitement des phosphates», argue M. Donard, fort impressionné par les résultats aboutis.
Bilan positif, mais..
Selon lui, toutes ces recherches sont de nature à apporter une valeur ajoutée sûre, notamment en termes d’emplois immédiats et d’opportunités du travail, ici et outremer. D’où, il faudrait en tirer profit. Cependant, le projet Tun-Twin vient, tout récemment, de prendre fin, alors qu’il y aura encore du chemin à faire. Somme toute, «il a fini sur un bilan largement positif, fruit des efforts conjointement déployés, depuis plus de 7 ans d’échange, rayonnement scientifique, mobilité et co-organisation des événements à Tunis et en France», a conclu, en ces termes, l’ancien responsable de l’Inrap. Pour lui, ce fut une mission accomplie. Quant au chef de l’Iprem, il s’est dit satisfait, mais l’espoir demeure encore permis : «On n’a pas fait tout ce qu’on voulait faire, mais le bilan demeure jusque-là positif, car on avait organisé des écoles d’été, des formations et des thèses en codiplômation..».
Il y a là raison de voir loin. Faute de mieux, ce projet européen s’étendra encore de six mois, soit d’ici fin juin prochain. Entre-temps, la volonté ne devrait guère fléchir. «Car la recherche ne vient pas d’en haut, il faut l’inventer, d’autant que les idées ne tombent pas du ciel, d’où l’on doit aller les chercher», juge M. Donard, recommandant de tout remettre en route pour faire tourner la machine de manière solide et fiable. Certes, la Tunisie ne manque ni de compétences ni d’intelligence, mais l’Etat ne cherche pas à récupérer son élite en fuite à l’étranger.